Après l’obtention de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), un détenteur de l’AMM (le plus souvent un industriel) peut demander l’évaluation de son produit en vue de sa prise en charge et de la fixation de son prix en France. La France présente un processus assez long jusqu’à l’obtention d’un accord de prix entre l’industriel et le régulateur. Néanmoins, l’existence de procédures d’autorisation adaptées aux Médicaments de Thérapie Innovante (MTI) a déjà permis à plusieurs MTI d’accéder plus facilement au marché français.
Le système français repose sur l’inscription sur des listes positives, c’est-à-dire que les médicaments inscrits sur ces listes sont pris en charge par le système national de sécurité sociale. Les MTI relèvent de la liste des médicaments accessibles dans les collectivités, c'est-à-dire les hôpitaux. Lorsque certaines indications thérapeutiques des MTI présentent un caractère innovant, elles relèvent généralement de la « liste en sus », c’est-à-dire la liste permettant la prise en charge en sus des tarifs d’hospitalisation.
Parties prenantes
Le groupe de coordination des États membres sur l’évaluation des technologies de la santé(«groupe de coordination HTA»), composé de représentants des États membres (notamment issus d’autorités et organismes d’évaluation des technologies de santé), est notamment chargé des évaluations cliniques communes (sous-groupe à cet effet) des MTI à partir du 1er janvier 2025.
La Haute Autorité de santé (HAS) est l’autorité publique indépendante responsable de l’évaluation des médicaments, des dispositifs médicaux et actes professionnels en vue des décisions de prix et de remboursement. Elle assure en outre des missions de recommandations de bonnes pratiques professionnelles ainsi qu’un rôle de mesure et d’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients au sein des établissements de santé, en médecine de ville, et dans les structures sociales et médico-sociales.
La Commission de la Transparence (CT) est une instance scientifique de la HAS composée de médecins, pharmaciens, méthodologistes, experts de l’évaluation médicale et de santé publique, et de membres choisis parmi les adhérents d’une association de malades et d’usagers du système de santé. Indépendante des industriels et des payeurs, elle est chargée de rendre aux pouvoirs publics un avis sur le remboursement et la fixation du prix des médicaments. A ce titre, elle évalue, indication par indication, les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché, lorsque le laboratoire qui les commercialise demande leur inscription sur la liste des médicaments remboursables. Son évaluation repose sur deux critères : le service médical rendu visant à informer les décisions relatives au remboursement, et l’amélioration du service médical rendu visant à informer les décisions relatives à la fixation du prix. (Article L162-17 du Code de la sécurité sociale et Article L5123-2 du Code de la santé publique)
La Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP), composéed’experts choisis pour leur compétence dans le domaine de la santé, de l’évaluation économique et de la santé publique, et de membres choisis parmi les adhérents d’une association de malades et d’usagers du système de santé,est une commission spécialisée affiliée à la HAS. Elle est chargée de produire des avis médico-économiques sur les actes, produits et prestations de santé, de déterminer les stratégies thérapeutiques les plus efficientes, et d'éditer des recommandations en conséquence. Ces analyses et évaluations sont destinées aux produits et technologies de santé présumés innovants et susceptibles d’avoir un impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie. En tenant compte du prix revendiqué par l’entreprise, la CEEPS évalue l’efficience et l’impact financier du médicament sur les dépenses publiques, en vue d’informer les décisions sur la fixation du prix du médicament et non pas celles relatives à leur remboursement.
Le Comité économique des produits de Santé (CEPS) est un organisme interministériel principalement chargé par la loi de fixer les prix des médicaments et les tarifs des dispositifs médicaux à usage individuel pris en charge par l’assurance maladie obligatoire. Cette dernière va négocier un prix conditionnel basé sur des indicateurs conventionnels définis dans le cadre de l'accord-cadre, avec la mise en place d'une surveillance post-commercialisation, dont les résultats sont censés fournir des données cliniques suffisantes pour une évaluation à plus long terme dans un contexte de pratique réelle. Dans le cadre de ces missions, le CEPS peut conclure avec les entreprises ou groupes d’entreprises des conventions portant sur le prix des médicaments et son évolution, sur les remises, sur les engagements des entreprises concernant le bon usage des médicaments et les volumes de vente, sur les modalités de participation des entreprises à la mise en œuvre des orientations ministérielles.
L'union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) est l’instance française qui regroupe des représentants du régime général et du régime agricole. Elle a pour rôle de coordonner l'action des Caisses nationales dans le pilotage de l'Assurance maladie et de nouer un partenariat avec les professionnels de santé et les organismes de protection sociale complémentaire. Elle a également comme missions de conduire la politique conventionnelle, de définir le champ des prestations admises au remboursement et de fixer le taux de prise en charge des soins. En ce qui concerne le médicament, sa compétence concerne le taux de remboursement.
Les ministères chargés de la Santé et de la Sécurité sociale : il appartient au ministre en charge de la santé de donner la décision finale du processus d’évaluation des technologies de santé. L'ensemble des avis et données obtenus au travers des différentes commissions de la HAS et du CEPS sont utilisées pour décider ou non d'inscrire un médicament destiné à un usage hospitalier sur la « liste en sus » (définie infra dans la partie « Étapes pratiques »). C’est également au ministère de la santé qu’il revient de décider du remboursement ou non d’un médicament. Si la décision est de rembourser, le CEPS est alors sollicité pour en négocier le prix.
La décision finale d’inscription d’un médicament au remboursement relève de la compétence des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, elle est publiée au Journal officiel de la République Française.
Si un médicament n’est pas (ou pas totalement) remboursé par l’Assurance maladie obligatoire, il peut être remboursé par les organismes complémentaires d’assurance de la santé.
Les Commissions médicales des hôpitaux, appelées « Commission médicales d’établissements », sont présentes au niveau local, dans chaque hôpital. Elles sont chargées de décider quels médicaments sont disponibles au sein de la pharmacie interne de l’hôpital, sur la base de la liste des médicaments autorisés à l’utilisation par les Ministères de la santé et de la Sécurité Sociale.
Les Entreprises du Médicament (Leem) : Le Leem est l’organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France. Il compte plus de 280 entreprises adhérentes, dont 50% de TPE/PME, exerçant une activité de recherche et développement, de fabrication, d'exploitation et de distribution de médicaments à usage humain.
Le Comité de Pilotage de la Politique Conventionnelle (CPPC), composé de représentants du CEPS et du Leem, aborde « tout sujet permettant de contribuer à la politique conventionnelle du médicament, et à en assurer la mise en œuvre et le suivi ». (Plus d’informations sur sa composition, ses missions, ses réunions et ses groupes techniques à l’article 1 de l’Accord-Cadre 2021-2024, accessible ici en français)
Demandeur : Souvent issue de l’industrie pharmaceutique, la personne juridique qui demande l’inscription de son médicament sur la liste des médicaments remboursables.
Titulaire d’une autorisation de mise sur le marché : La personne juridique bénéficiant d'une AMM, obtenue via la « procédure centralisée » pour les MTI, pour distribuer et commercialiser un MTI dans l'Union européenne.
L’Agence Nationale de Sécurité́ du Médicament et des produits de santé (ANSM) est l’autorité nationale compétente chargée de la régulation des médicaments et des produits de santé en France. L’ANSM s’assure de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité, et du rapport positif des bénéfices et des risques des médicaments tout au long de leur cycle de vie. Elle est incluse parmi les parties prenantes en raison de son rôle dans la procédure de l’accès précoce uniquement. (Pour plus d’informations, voir : sante.gouv.fr)
Définitions
Le service médical rendu (SMR), indice évalué par la CT, permet de renseigner les autorités en charge de l’admission au remboursement des médicaments sur l’intérêt clinique des médicaments. Il est évalué sur la base de cinq déterminants : l’efficacité et les effets indésirables du médicament ; sa place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles) ; la gravité de l’affection à laquelle il est destiné ; le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux ; et son intérêt pour la santé publique. (Article R163-3 du Code de la sécurité sociale)
Quatre niveaux de SMR existent ; ils spécifient la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie. On distingue donc les SMR qualifiés de majeur ou important, modéré, faible, et insuffisant correspondant à un taux de prise en charge par la Sécurité sociale (Assurance maladie obligatoire) de 65%, 30%, 15% et 0% respectivement.
L’amélioration du service médical rendu (ASMR) : Évaluée par la CT, cet indice permet d’apprécier le progrès thérapeutique d’un nouveau produit de santé dans un domaine spécifié par rapport au rapport bénéfice/risque des traitements déjà existants sur le marché. Il participe à la fixation du prix du médicament remboursable. Ce critère comparatif est échelonné sur cinq niveaux : l’ASMR majeure (I), importante (II), modérée (III), mineure (IV) et inexistante (V) par rapport à ce qui est déjà disponible. (Article R163-18 du Code de la sécurité sociale).
Les critères d’évaluation utilisés pour déterminer le niveau d’ASMR d’un médicament sont l’efficacité thérapeutique, le niveau de réduction des effets indésirables et la commodité d’emploi. Son appréciation s’évalue selon les données comparatives disponibles en termes d’efficacité et de tolérance, à savoir le niveau de preuve, la quantité d’effet et l’extrapolation en pratique clinique, mais aussi le besoin thérapeutique et de sa couverture, ainsi que l’impact sur la qualité de vie.
Analyse ou évaluation médico économique : Uneévaluation médico-économique est requise pour les produits et technologies de santé présumés innovants, c’est-à-dire dont l’amélioration du service médical rendu (ASMR) est majeure, importante ou modérée, et quand le produit ou la technologie est susceptible d'avoir un impact significatif sur les dépenses de l'Assurance maladie du fait de son prix ou de son impact sur l’organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les modes de prise en charge. Ainsi, l’impact est jugé significatif dès lors qu’il s’agit de MTI. La CEESP va déterminer le rapport entre le différentiel de coût et le différentiel d’efficacité estimé en fonction du prix demandé par l’industriel, et de la population cible revendiquée. L'avis d’efficience rendu sera ensuite transmis au CEPS dans un objectif d’aide à la négociation du prix de ces produits. (Article R161-71-3 du Code de la sécurité sociale)
Accord-cadre : Contrat cadre passé entre le syndicat professionnel du Leem et le CEPS. Il définit les modalités de négociation des prix des médicaments remboursables par la Sécurité sociale. L’accord-cadre Leem-CEPS, signé le 5 mars 2021 pour une durée de 3 ans (2021-2024), est applicable jusqu’au 5 mars 2025 (Prolongation d’un an). Il considère les enjeux de l’accès aux MTI, en précisant les règles relatives aux comparateurs, à l’incertitude, aux remises et aux fractionnements des paiements. Plus d’informations au sein de l’accord-cadre ici (en français, Article 15c), p. 17-17).
Contrat portant sur la transposabilité en vie réelle : Ces contrats de « gestion de l’incertitude » entre une entreprise et les CEPS, engagent l’entreprise à produire, à une date déterminée, les résultats d’analyse des conditions d’utilisation du médicament en vie réelle pour lever les incertitudes, en échange de la fixation de conditions de prix spécifiques. Ces contrats peuvent être mis en place dans deux cas :
Soit, l’analyse de l’avis de la Commission de la Transparence montre qu’une « variable d’incertitude peut mettre en doute la transposabilité dans la vie réelle d’une donnée déterminante dans la fixation du prix d’un médicament » ;
Soit, « les performances d’un produit (l’efficacité, la tolérance, l’efficience) peuvent être optimisées par une action apportée par l’entreprise » (exemples : modalité de rémunération, dispositif d’amélioration de l’observance). (Article 16 de l’Accord-Cadre 2021-2024, accessible ici en français)
La liste en sus : permet la prise en charge par l’assurance maladie, en sus des tarifs d’hospitalisation, de certaines indications thérapeutiques de médicaments, lorsqu’elles présentent un caractère innovant. Cette liste précisant les indications concernées, est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. (Article L162-22-3 ducode de la sécurité sociale)
Procédure accélérée de fixation du prix. Un médicament innovant qui présente un intérêt pour la santé publique, se voyant attribuer par la CT une ASMR de I à III ou une ASMR IV avec certaines conditions supplémentaires, peut prétendre à bénéficier, une fois l’avis de la CEESP et de la CT obtenu, d'une procédure d'inscription accélérée : signature d’un avenant conventionnel dans les 15 jours suivant le dépôt au CEPS, et publication au Journal Officiel dans les délais les plus stricts de l’arrêté d’inscription et de l’avis de prix. (Article 14 de l’Accord-Cadre).
Demande de prise en charge précoce : Depuis le 1er juillet 2021, la HAS évalue et autorise les médicaments faisant l’objet d’une demande de prise en charge dans le cadre d’un « accès précoce ». L’autorisation d’accès précoce (AAP) est un dispositif dérogatoire exceptionnel qui permet la mise à disposition et la prise en charge financière d’un médicament (dans une ou plusieurs indications) avant son remboursement par l’Assurance maladie.
L'accès précoce est un dispositif qui permet à des patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments non autorisés dans une indication thérapeutique précise.
Les conditions d’accès à ce dispositif sont les suivantes :
Lorsque le médicament ne bénéficie pas encore d’une autorisation de mise sur le marché, l’efficacité et la sécurité de ce médicament sont fortement présumées au vu des résultats d’essais thérapeutiques ;
Le médicament doit être destiné à traiter des maladies graves, rares ou invalidantes ;
Il n'existe pas de traitement approprié disponible ;
La mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée ;
Le médicament est présumé innovant, notamment au regard d'un éventuel comparateur cliniquement pertinent.