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Qu’est-ce que l’ingénierie tissulaire ?

L’ingénierie tissulaire est un outil important pour comprendre l’évolution de certaines conditions et la façon de les traiter. Des thérapies basées sur des techniques d’ingénierie tissulaire ont déjà été approuvées en Europe. Alors, qu’est-ce que l’ingénierie tissulaire?

Qu’est-ce que l’ingénierie tissulaire ?

L’ingénierie tissulaire fait partie du domaine de la bio-ingénierie. La bio-ingénierie est une vaste discipline qui combine les principes de la biologie et de l’ingénierie et que l’on décrit parfois comme l’étude de la biologie sous l’angle de l’ingénierie.

Dans le cadre des soins de santé, les bioingénieurs participent à la conception d’appareils (par exemple, calcul de l’ensemble des forces mécaniques imposées à un implant articulaire), d’applications de physiothérapie (par exemple, étude de l’influence de la mise en appui sur les os fracturés) et de modes d’administration des médicaments (par exemple, estimation de la vitesse de décomposition de l’enrobage d’un comprimé et du début d’action de ce dernier).

L’ingénierie tissulaire comprend l’étude des forces biologiques, physiques et chimiques qui interviennent dans le développement des tissus, les blessures et la cicatrisation des plaies. Elle vise à restaurer, à maintenir, à réparer ou à remplacer des tissus biologiques, ce qui nécessite de comprendre la physiologie d’un tissu sain et la manière de traiter un tissu endommagé pour qu’il redevienne sain. Pour ce faire, les ingénieurs tissulaires doivent cultiver en laboratoire des cellules qui se comportent comme des cellules saines (« tissu endogène »).

Les échantillons de tissus cultivés à l’extérieur du corps par des techniques d’ingénierie tissulaire sont souvent appelés « constructions d’ingénierie tissulaire ».

Quelle est la différence entre ingénierie tissulaire et médecine régénérative ?

Les termes « ingénierie tissulaire » et « médecine régénérative » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Ils font référence à la réparation, à l’entretien et à la restauration des tissus biologiques. La principale différence est que l’ingénierie tissulaire étudie la croissance des tissus à l’extérieur du corps, alors que la médecine régénérative examine les moyens d’utiliser les techniques d’ingénierie tissulaire dans un environnement médical pour réparer des tissus à l’intérieur du corps.

De nombreuses recherches en ingénierie tissulaire ont pour but à long terme de mettre au point une construction utilisable en clinique. La recherche en ingénierie tissulaire est une première étape nécessaire vers l’élaboration de thérapies de médecine régénérative.

Quels sont les principes de l’ingénierie tissulaire ?

L’ingénierie tissulaire utilise les trois composants fondamentaux suivants :

  • des cellules souches
  • un échafaudage tridimensionnel biocompatible
  • des molécules bioactives

Les cellules souches sont des cellules qui sont capables de produire (par différenciation) plus d’un type de cellules. Les plus connues sont les cellules souches embryonnaires, qui peuvent produire n’importe quel type de cellules. Chez l’adulte, les cellules souches peuvent se différencier en plusieurs types de cellules, selon leur origine dans le corps. Par exemple, les cellules souches dérivées du tissu adipeux peuvent se différencier en tissu osseux, cartilagineux ou graisseux, et en d’autres types de tissus. La voie qu’une cellule emprunte pour y parvenir dépend de nombreux facteurs, dont des forces mécaniques (comme les mouvements musculaires dans l’embryon en développement) ou l’exposition à des produits chimiques (par exemple, des molécules de signalisation dans la circulation sanguine).

Les échafaudages sont des structures tridimensionnelles qui favorisent la croissance des cellules souches vers un type de cellules ou de tissu donné. En laboratoire, on cultive souvent ces cellules sur des surfaces planes ou en suspension dans un liquide. Un échafaudage tridimensionnel correspond plus étroitement à l’environnement tridimensionnel du corps.

Il est important que le matériau utilisé dans un échafaudage soit biocompatible – pour qu’il n’endommage pas le tissu avec lequel il entre en contact, ce qui signifie qu’il ne doit pas être toxique, mais également ne pas se décomposer au fil du temps en plus petits éléments qui pourraient irriter le tissu. Les matériaux utilisés dans les échafaudages d’ingénierie tissulaire sont notamment le collagène, ou certaines chaînes protéiques (protéoglycanes).

Les échafaudages utilisés en ingénierie tissulaire doivent également être poreux. Comme les cellules souches ne peuvent être ensemencées qu’à la périphérie de l’échafaudage, il est important que l’échafaudage soit suffisamment poreux pour permettre aux cellules de migrer vers l’intérieur à mesure qu’elles prolifèrent. Si la construction ne contient des cellules qu’en périphérie, et pas au centre, elle ne se comportera pas comme un tissu normal.

Les molécules bioactives sont des substances qui agissent sur les tissus vivants. Il peut s’agir de molécules de signalisation ou de facteurs de croissance qui sont capables de modifier la voie de différenciation d’une cellule souche. Ces molécules bioactives peuvent faire partie des nutriments utilisés pour faire pousser la cellule en laboratoire. On peut également les incorporer dans l’échafaudage tridimensionnel à l’étape de la fabrication.

Les chercheurs étudient également comment utiliser les molécules bioactives pour perfectionner les implants tissulaires. À titre d’exemple, un échafaudage pourrait libérer un médicament qui réduit l’inflammation, ou qui aide les cellules implantées à s’intégrer au siège de l’implant.

Comment peut-on utiliser l’ingénierie tissulaire dans la recherche visant à mettre au point des thérapies géniques et cellulaires ?

On utilise les techniques d’ingénierie tissulaire pour cultiver des « modèles » de tissus en laboratoire, lesquels peuvent avoir de nombreuses utilisations en recherche.

  • Étudier le développement normal des tissus. L’ingénierie tissulaire peut permettre aux chercheurs de déterminer comment certains types de tissus se forment à partir des cellules souches. En contrôlant l’environnement, ils peuvent observer comment certains changements affectent le tissu en développement, ce qui leur permet de répondre à des questions très précises. Lorsqu’on réalise une étude chez l’animal ou l’être humain, il est impossible de contrôler tous les facteurs en jeu. Dans un modèle d’ingénierie tissulaire, les chercheurs peuvent contrôler les changements apportés à l’environnement et en mesurer les résultats avec précision.
  • Étudier les maladies au niveau des tissus. Les scientifiques peuvent adapter l’environnement de laboratoire de manière à reproduire une condition particulière. (Par exemple, pour comprendre comment l’arthrite influe sur le développement et la réparation du cartilage, les scientifiques peuvent ajouter des molécules inflammatoires au mélange de nutriments.) Une autre façon d’étudier une condition au niveau des tissus est de recueillir des cellules de patients qui en sont atteints, et de comparer leur développement à celui des cellules provenant de personnes en bonne santé.
  • Tester des thérapies. Les constructions d’ingénierie tissulaire peuvent être utilisées pour tester des médicaments afin de confirmer leur innocuité à l’égard d’un tissu particulier, ou de déterminer leurs effets sur un modèle de maladie.

Applications thérapeutiques actuelles et potentielles

L’ingénierie tissulaire est utilisée dans les thérapies approuvées suivantes :

  • Spherox (CO.DON.AG, approuvé dans l’UE en 2017), pour traiter les lésions cartilagineuses dans l’articulation du genou. Cette thérapie consiste à prélever des cellules chez le patient, puis à isoler celles qui sont capables de former du cartilage. En laboratoire, ces cellules sont cultivées en amas sphériques (sphéroïdes), qui sont implantés dans les tissus de cartilage lésés, où ils se fixent. Parallèlement à un programme de physiothérapie, ces implants peuvent remplacer le tissu lésé au cours du temps, réduisant ainsi la douleur et améliorant la mobilité.

Les chercheurs étudient également si des tissus modifiés par ingénierie pourraient être utilisés dans des greffes ou des implants, notamment :

  • la peau pour traiter les brûlures graves
  • les valves cardiaques pour traiter une pathologie cardiaque valvulaire
  • les tissus nerveux pour réparer des nerfs endommagés ou sectionnés
  • les tissus des vaisseaux sanguins
  • le tissu osseux pour remplacer la perte d’os due à une blessure ou à une infection
  • le tissu intestinal pour traiter le syndrome de l’intestin court

Cette liste n’est absolument pas exhaustive. La recherche en ingénierie tissulaire a des retombées dans le traitement de malformations congénitales, de tissus malades et de blessures.

Quels sont les challenges liés à l’utilisation de l’ingénierie tissulaire pour la mise au point de thérapies ?

  • Prélever les bonnes cellules. Comme les tissus sont constitués de différents types de cellules, les chercheurs doivent mettre au point des méthodes pour prélever et isoler les bonnes cellules non différenciées d’un patient ou d’un donneur; sinon, le bon type de tissu ne se développera pas.

 

  • Comprendre quels facteurs influencent la différenciation cellulaire. Le corps humain représente un environnement beaucoup plus complexe pour les cellules qu’un laboratoire, où l’on peut contrôler les substances chimiques, les nutriments et les forces physiques. Cela signifie qu’un tissu cultivé en laboratoire sera exposé à un environnement différent lorsqu’il sera implanté dans le corps. Les scientifiques doivent comprendre l’environnement du corps pour éviter que l’implant ne produise le mauvais type de cellules (par exemple, des cellules osseuses à la place de cellules cartilagineuses).

 

  • Recréer les caractéristiques endogènes d’un tissu. Être capable de faire pousser un type de tissu particulier n’est pas nécessairement suffisant; certains tissus se comportent différemment dans différentes régions du corps. Par exemple, les propriétés mécaniques du cartilage à la surface d’une articulation sont différentes de celles du cartilage qui est adjacent à l’os. Cela signifie qu’un implant mis en place pour une lésion du cartilage en profondeur aurait la même portée que le cartilage endogène.

 

  • Assurer l’intégration cellulaire au siège de l’implant. Afin de fixer complètement l’implant en place, le tissu modifié et le tissu endogène doivent croître et s’imbriquer l’un dans l’autre. Si un implant produit par ingénierie ne s’intègre pas dans le corps, le site où il est implanté peut ne pas guérir correctement.

 

  • Évaluer les effets à long terme des cellules implantées. Comme avec toute nouvelle technologie, les chercheurs devront effectuer une surveillance à long terme des constructions d’ingénierie tissulaire implantées afin de s’assurer qu’elles sont sans danger et se comportent de façon prévisible.

En savoir plus

Tissue Engineering and Regenerative Medicine (National Institute of Biomedical Imaging and Bioengineering, National Institutes of Health) (en anglais seulement)

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